L'Autriche peine à se défaire de ses liens économiques avec la Russie — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Si cette part a de nouveau baissé pour atteindre 47% le mois suivant, le chiffre de décembre a marqué les esprits en Autriche. Il a prouvé que le pays ne s’était pas suffisamment affranchi du gaz russe. Il est, avec la Hongrie, l’un des derniers pays de l’Union européenne à maintenir un tel niveau de dépendance.

Un objectif difficile à atteindre

Le gouvernement autrichien s’est pourtant doté d’un objectif clair: être totalement indépendant du gaz russe d’ici 2027. Mais le contrat qui lie le géant russe Gazprom à l’entreprise énergétique autrichienne OMV, détenue pour un tiers par l’Etat autrichien, court jusqu’en 2040.

Et selon Michael Böheim, de l’institut économique WIFO, l’Autriche ne semble pas prête à en sortir. « Les entreprises d’autres pays ont manifestement engagé des efforts plus importants, y compris de nature juridique, pour sortir de ces contrats », a-t-il relevé vendredi dans l’émission Tout un monde.

En Autriche, il semble donc qu’une telle sortie se fera plus progressivement et plus lentement. « Il est difficile de dire aujourd’hui ce qu’il adviendra de ce contrat d’ici 2027 », a ajouté ce spécialiste, « mais évidemment cela ferait une grande différence s’il y avait une volonté politique d’y mettre fin, même si cela signifie une perte économique ».

Trop grande dépendance énergétique

Et si cette décision n’a pas été prise pour l’instant, c’est vraisemblablement parce que l’approvisionnement en gaz de l’Autriche dépend encore du gaz russe de manière substantielle, a ajouté Michael Böheim.

L’entreprise OMV affirme que le contrat signé avec Gazprom ne lui permet pas d’en sortir, mais les détails du document ne semblent être connus que de l’entreprise elle-même. Le chancelier autrichien Karl Nehammer a lui-même reconnu que son propre gouvernement n’en connaissait pas le contenu.

Une banque encore très active en Russie

Le siège de la RBI à Vienne. [Leonhard Foeger – Reuters].

Et il n’y a pas que dans le domaine énergétique que Vienne continue d’avoir une relation économique étroite avec Moscou. Il est beaucoup question actuellement, en Autriche, de la deuxième banque du pays, la Raiffeisen Bank International (RBI).

L’établissement est toujours présent en Russie et cela lui rapporte beaucoup. La RBI a annoncé des bénéfices record de 3,6 milliards d’euros pour l’année 2022, dont 60% proviennent de sa filiale russe. C’est notamment parce que la banque est l’une des rares présentes en Russie qui est encore autorisée à participer au système Swift, dont de nombreuses banques russes sont exclues.

En raison de cette activité, l’autorité américaine des sanctions (OFAC) a envoyé en début d’année un questionnaire à la RBI afin de l’interroger sur ses actions en Russie. Mais celle-ci, comme toutes les entreprises autrichiennes, affirme qu’elle applique à la lettre les sanctions.

Peu ou pas de débats politiques en Autriche

Le sujet n’est pourtant pas réellement débattu en Autriche. « Tout comme on ne discute pas du contrat d’OMV, on ne discute pas de la RBI », déplore Gerhard Mangott, professeur à l’Université d’Innsbruck.

« Cela tient en partie au fait que Raiffeisen est étroitement liée au principal parti du gouvernement, le parti conservateur », souligne ce spécialiste de la Russie. Le parti veut éviter tout ce qui pourrait nuire financièrement à la RBI et souhaite que les entreprises autrichiennes actives en Russie se maintiennent sur le marché russe, explique-t-il. « Or, pour cela, elles ont besoin de la RBI. »

Gerhard Mangott a l’impression que le gouvernement autrichien mise sur le fait que la guerre se terminera à un moment ou à un autre. « On pourra alors recommencer à faire des affaires comme avant et en attendant, il faut tout faire pour éviter de couper les liens commerciaux avec la Russie. »

Et si le débat n’a pas lieu du côté des conservateurs au pouvoir en Autriche, il n’a pas non plus lieu dans l’opposition et surtout pas du côté du FPÖ. Le parti d’extrême droite, actuellement en tête des intentions de vote, est ouvertement opposé aux sanctions contre la Russie.

Isaure Hiace/oang