Peng Shuai: la disparition — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Peng Shuai a dénoncé un cacique du parti communiste, ancien vice-premier ministre, d’avoir abusé d’elle. Elle l’a révélé sur le réseau social chinois. Mal lui en a pris. Elle a disparu. Du monde, des réseaux sociaux. Sa famille se tait. Ses amis s’inquiètent.

Rien ne nous échappe normalement dans ce monde de la transparence forcée et des réseaux sociaux indiscrets. La Chine prouve le contraire. Peng Shuai était là, l’instant d’après, elle n’est plus. Cette instantanéité tient de la magie noire. On devine que c’est la machine infernale qui est à l’œuvre. On le suppose. On ne sait pas. Plus tard, Peng Shuai réapparaît, mais est-ce vraiment elle ?

Le héros de George Orwell, perplexe et malheureux, était contraint par un pouvoir menaçant d’effacer dans les livres, les collections et les journaux toutes les références jugées inadéquates par le pouvoir, et de réécrire l’histoire dans le sens voulu.

En Chine, il y a des précédents : les actrices Zhao Wei, Zheng Shuang, le président d’Interpol Meng Hongwei, le milliardaire Jack Ma, fondateur d’Alibaba. Ai Weiwei, l’artiste mondialement connu, a lui aussi disparu plusieurs mois.

On avait déjà vu au temps de Staline des photos retouchées grossièrement laissant des auréoles encore trop voyantes là où on avait découpé des têtes. La Chine ajoute à la perversité de l’exercice une certaine perfection numérique. En tous cas jusque-là. Car jamais disparition n’a été aussi visible.

Le HCR demande une enquête

La mobilisation internationale est impressionnante. Sportifs, associations, gouvernements, personnalités politiques appellent au retour de la joueuse. Pékin a sous-estimé la réaction. Et elle n’y est pas tout à fait indifférente. Elle a mis en scène un retour virtuel de Peng Shuai, publiant photos et vidéos, sans que l’on puisse établir la véracité des images et des propos. Le président du Comité international olympique, Thomas Bach, a participé à la fiction en acceptant un entretien avec la joueuse de tennis par visio-conférence, où elle demande curieusement que l’on ne s’occupe pas de sa vie privée. Elle n’est pas seule, un ami l’assiste.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, basé à Genève, s’est montré moins complaisant : « Nous demandons instamment qu’une enquête soit menée en toute transparence sur ses allégations d’agression sexuelle », a déclaré sa porte-parole Liz Throssell.

L’affaire Peng Shuai va relancer le débat sur le boycott des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin, en février 2022. Plusieurs pays envisagent déjà un boycott dit diplomatique, qui consiste à ne pas envoyer de délégations officielles. Mais si Peng Shuai n’est pas libérée, le mouvement pourrait prendre de l’ampleur.

Je ne sais plus comment finissait le roman.

André Crettenand

La lettre internationale suite:

Ukraine, la peur – Angelina Jolie, le message émouvant pour les jeunes – Guerre dans le ciel – Biden tempus horribile – Musées machos?