Le Royaume-Uni connaît à partir de jeudi une nouvelle salve de débrayages massifs dans les transports, la poste et les ports. Cet « été du mécontentement » risque bien de se prolonger face à l’inflation qui mine le pouvoir d’achat des Britanniques.
En pleines vacances scolaires, seul un train sur cinq circulait jeudi au Royaume-Uni. Des dizaines de milliers d’employés du rail étaient appelés à cesser le travail par les syndicats RMT, TSSA et Unite. Network Rail, le gestionnaire public du réseau, incitait d’ailleurs les usagers à éviter ce mode de transport.
Les passagers qui bravaient l’injonction étaient pourtant compréhensifs, alors que les hausses de prix généralisées ont dépassé 10% le mois dernier Outre-Manche pour la première fois en plus de 40 ans.
Les cheminots « sont des gens comme moi », abonde Greg Ellwood, un consultant de 26 ans croisé à la gare de Leeds, au nord de l’Angleterre. « Nous essayons tous de gagner notre vie et de nous débrouiller. J’ai toute la sympathie du monde pour eux », affirme-t-il.
Le plus gros mouvement de grève du rail depuis 1989, à la fin des années Thatcher, pourrait « se poursuivre indéfiniment », prévient le secrétaire général du RMT, Mick Lynch, les débrayages des cheminots se poursuivant par épisodes depuis juin, faute d’accord salarial.
« Les travailleurs britanniques sont fondamentalement sous-payés », ajoute le syndicaliste, pour qui le mouvement « ne sera pas brisé » et pourrait au contraire s’étendre à « chaque secteur de l’économie ».
De fait, les mouvements se multiplient dans le pays. Vendredi, l’ensemble du réseau de transport de Londres sera quasi paralysé, et restera très perturbé pendant tout le week-end tandis qu’un autre jour de grève des trains est prévue samedi.
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Si la grève n’implique pas directement le personnel de l’Eurostar, le train qui emprunte le tunnel sous la manche, l’opérateur a lui aussi dû diminuer le nombre de ses services en raison de la réduction des horaires sur l’ensemble des lignes britanniques
Dimanche, les dockers du port de Felixstowe (est) – le plus gros pour le fret dans le pays – démarrent une grève de huit jours, menaçant de mettre à l’arrêt une grande partie du trafic de marchandises du pays.
Postiers, employés de l’opérateur télécoms BT, manutentionnaires d’Amazon, mais aussi avocats pénalistes ou éboueurs ont également débrayé ou prévoient de le faire.
Les mouvements pourraient durer au-delà de l’été, et se propager aux fonctionnaires de l’enseignement ou encore de la santé, où Unite a rejeté des offres salariales « misérables » de 4%.
Partout le mot d’ordre est le même: les employés réclament des revalorisations de leur paie en phase avec l’inflation, qui a atteint en juillet 10,1% sur un an et pourrait dépasser 13% en octobre.
Les prix sont notamment tirés par les cours du gaz, dont le pays est très dépendant et qui flambent dans la foulée de la guerre en Ukraine, mais aussi par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les pénuries de travailleurs dans la foulée du Covid-19 et du Brexit.
Le pouvoir d’achat est grignoté par les hausses de prix à une vitesse record, ce qui « démontre le besoin vital de défendre la valeur de la rémunération des travailleurs », assure dans un communiqué Sharon Graham, secrétaire générale du syndicat Unite.
Certaines grèves ont pourtant été récemment évitées à la dernière minute, suite à des offres de rémunération jugées satisfaisantes, notamment dans une entreprise de ravitaillement en carburant à l’aéroport d’Heathrow ou parmi le personnel au sol de British Airways.
Dans le rail, les négociations avec la multitude d’opérateurs privés du secteur sont dans l’impasse, selon les syndicats, qui ont aussi rejeté une offre salariale à 8% de la part de Network Rail qu’ils accusent d’être conditionnée à des licenciements massifs.
Le ministre des Transports, Grant Shapps, qui a refusé de s’impliquer directement dans les discussions, est pointé du doigt par les organisations, accusé de ne pas donner de mandat suffisant aux entreprises pour négocier.
Autre motif de colère syndicale: le gouvernement vient de modifier la loi afin de permettre le recours à des intérimaires pour remplacer les grévistes.
afp/doe