Depuis 1982, Paul Biya est le président autoritaire et sans partage à la tête du Cameroun. Monarchies exceptées, il est le deuxième chef d’état encore de ce monde à la plus grande longévité au pouvoir. Mais le dirigeant est confronté à des défis sécuritaires et à un processus de « succession » périlleux.
Malgré un état de santé manifestement dégradé depuis quelques années, Paul Biya, 89 ans, continue de donner le sentiment d’administrer seul le pays, en s’appuyant sur un cénacle très restreint, mais dont il nomme et bannit impitoyablement les membres à sa guise. Les plus chanceux ont connu la disgrâce, d’autres la prison.
Aujourd’hui, le chef de l’Etat ne fait plus que de brèves apparitions publiques, car il se déplace avec peine, et ses rares discours enregistrés sont prononcés laborieusement.
La rumeur enfle régulièrement sur un Paul Biya mort ou moribond. A chaque fois, elle est démentie par une vidéo ou des photos, tandis que de parler de sa succession est tabou, même pour les plus proches. Personne n’a jamais osé sortir du bois, ni a même esquissé, du moins publiquement, la moindre intention.
Parmi les candidats putatifs à la succession, son fils Franck Biya ou le ministre des Finances Louis-Paul Motaze sont régulièrement cités. Autre prétendant, le Secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, proche de l’influente première Dame Chantal Biya et qui exerce de facto par délégation une bonne partie du pouvoir exécutif.
« Aucun ne fait l’unanimité et cette question efface les autres préoccupations sur la santé, l’éducation, ou les infrastructures », regrette Stéphane Akoa, chercheur en sciences politiques.
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Depuis cinq ans, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone de cette ex-colonie française majoritairement francophone, sont en proie à une guerre entre des groupes armés réclamant l’indépendance et des forces de sécurité massivement déployées par un Paul Biya intraitable, même avec les plus modérés qui réclament une solution fédéraliste.
« L’armée n’a pas vocation à régler une telle crise, la matrice de la radicalisation des anglophones est politique et les autorités de Yaoundé ne l’ont pas compris », estime Aimé Raoul Sumo Tayo, chercheur en défense et sécurité.
Les rebelles comme les forces de l’ordre sont régulièrement accusés par l’ONU et les ONG internationales de crimes contre les civils, principales victimes d’un conflit ayant déjà fait plus de 6000 morts depuis 2017 et déplacé un million d’habitants, selon International Crisis Group (ICG).
Depuis sa réélection très contestée en 2018, Paul Biya fait impitoyablement réprimer toute opinion dissonante avec les arrestations et de lourdes condamnations de centaines de cadres et militants de l’opposition à la suite de marches pacifiques en 2020.
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Malgré d’abondantes ressources naturelles (pétrole, bois, minerais, coton…), le Cameroun stagne dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure de la Banque mondiale. Son économie n’est pas à la hauteur de son potentiel après quatre décennies de promesses d’un pouvoir accusé de corruption et de mauvaise gouvernance. Le pays est classé 144e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption 2021.
Un tiers des quelque 25 millions d’habitants vit avec moins de deux euros par jour et le taux de pauvreté atteint près de 40%, selon l’ONU. Seuls 10% des actifs ont un emploi dans le secteur formel et plus de 9 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, d’après la Banque mondiale.
Avec 40 ans de règne, Paul Biya est le deuxième chef d’Etat à être depuis le plus longtemps au pouvoir, rois et reines exceptés. Le record est détenu par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui règne sans partage sur la Guinée équatoriale depuis 48 ans.
afp/miro