Les objectifs pour la biodiversité de l’ONU manquent d’ambition selon le WWF

19 juillet 2021

Le texte proposé pour un accord de type climatique à Paris pour la biodiversité n’a pas eu les faveurs du WWF.

La dernière version d’un accord mondial sur la protection de la nature a été révélée lundi, mais elle ne répond pas aux attentes, selon le WWF, qui a suivi de près les négociations.

Le texte, rédigé sous les auspices de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité (CDB), fixe un certain nombre d’objectifs pour 2030, notamment de protéger 30% de toutes les zones d’eau et de terre et de réduire de moitié le risque d’extinction des espèces. Il propose aussi d’augmenter les ressources financières pour atteindre l’objectif de 200 milliards de dollars par an, de réduire les subventions nocives de 500 milliards de dollars par an, d’éliminer les rejets de déchets plastiques et de réduire de deux tiers l’utilisation de pesticides.

«Le cadre mondial pour la biodiversité pour l’après 2020 permettra à diverses parties prenantes de travailler ensemble pour atteindre d’importants jalons d’ici 2030, puis 2050, pour garantir le rétablissement d’un équilibre avec la nature», a déclaré Elizabeth Maruma Mrema, Secrétaire exécutive de la CDB, en dévoilant le document lors d’une conférence de presse en ligne.

Le texte fera l’objet d’une nouvelle série de consultations en août, avant les négociations finales du prochain Sommet sur la biodiversité. Initialement prévu en octobre à Kunming, en Chine, l’événement pourrait être repoussé à l’an prochain.

EPA-EFE/Hugh Kinsella Cunningham

Déforestation dans la territoire de Mambasa (province d'Ituri), au Congo, le 18 octobre 2020.

Besoin de plus d’ambition

Aussi louables que soient les efforts, le texte manque globalement d’ambition, selon le WWF. Le cadre devrait viser à «inverser la perte de la nature et à la rendre positive d’ici 2030», à l’image de l’Accord de Paris sur le climat, qui a fixé une limite de 1,5 °C pour la hausse des températures. «Plus on attend, plus les dommages seront irréversibles», a déclaré Guido Broekhoven, responsable de la stratégie de recherche et de développement du WWF, à Geneva Solutions.

Pour l’extinction des espèces, le document fixe comme objectif de réduire de 10% le taux d’extinction réel et de réduire de moitié le risque global d’extinction. Pour Guido Broekhoven, «la priorité devrait être de mettre fin à l’extinction des espèces provoquée par l’homme, plutôt que de bricoler avec le taux ou le risque d’extinction.»

Actuellement, plus d’un million d’espèces animales et végétales risquent de disparaître, dont beaucoup au cours des décennies à venir.

Le WWF a également demandé de réduire de moitié l’empreinte de la production et de la consommation mondiales. Il relève que ce sont «les causes de la perte de la biodiversité et les secteurs qui la provoquent» qui doivent être traités.

La CDB demande à toutes les entreprises d’évaluer leur impact sur la biodiversité et de le réduire de moitié. Cependant, des secteurs comme la pêche, l’industrie forestière et l’agriculture, qui causent d’énormes dégâts à la santé de la planète en perturbant les écosystèmes, ne sont pas mentionnés spécifiquement.

«En identifiant ces types de secteurs, il sera beaucoup plus clair pour ceux-ci qu’ils sont clairement impliqués, et en articulant les actions spécifiques qu’ils peuvent entreprendre, ils sauront ce qu’ils doivent faire», a-t-il ajouté. «Ce sont ces secteurs qui ne font pas partie du domaine de l’environnement. Il est donc capital que ce cadre porte sur ces autres secteurs.»

Plus jamais Aichi

Guido Broekhoven a déclaré que le WWF était «déçu» des discussions sur la mise en œuvre. «Vous pouvez avoir des cibles et des objectifs très forts et ambitieux, mais s’ils ne sont pas mis en œuvre ou atteints, cela n’aide pas», a-t-il dit, citant l’exemple des précédents objectifs de la CDB en matière de biodiversité, que le monde n’a pas réussi à atteindre d’ici 2020, comme promis.

Un mécanisme de mise en œuvre, selon Broekhoven, devrait aider les pays à traduire les principes en mesures applicables au niveau national, et à suivre leurs progrès.

De plus, «certaines de ces décisions cruciales sur le mécanisme de mise en œuvre pourraient être reportées à la Cop16, plutôt qu’à la Cop15, ce qui signifie qu’un suivi solide de la mise en œuvre ne commencerait que beaucoup plus tard», a-t-il mis en garde.

Des conditions difficiles

Ce cadre est l’objet de négociations depuis 2019, avec des réunions depuis février 2020, qui se sont tenues virtuellement en raison de la pandémie de Covid-19.

Pour Guido Broekhoven, cela peut expliquer en partie pourquoi le cadre manque d’un plus haut niveau d’ambition. «Certains des obstacles, des divisions et des divergences d’opinions ne pourront être surmontées qu’avec des réunions physiques. Je pense donc que le contexte actuel n’a pas aidé à créer un consensus et une meilleure compréhension du niveau d’ambition nécessaire.»

«C’est la première fois qu’une première ébauche complète est présentée. Les parties n’ont donc pas vraiment eu l’occasion de négocier certains de ces points», a-t-il ajouté.

«Reporter le sommet à l’année prochaine permettrait aux pays d’avoir une nouvelle série de discussions physiques et de traiter les nombreux points qui ont été mal inclus ou totalement laissés de côté, comme les liens entre la nature et les pandémies, l’impact environnement des systèmes alimentaires et la reconnaissance du droit de l’homme à un environnement sain» a-t-il argumenté.

«Nous sommes confiants sur le fait que les parties seront en mesure de s’entendre sur un cadre ambitieux, mais cela reste de toute évidence encore à venir», a-t-il conclu.

Article de Michelle Langrand pour Geneva Solutions, traduit de l’anglais par Katia Staehli

Lire l’article en anglais de Geneva Solutions.

A consulter aussi