COP26: les attentes de la Genève internationale — Genève Vision, un nouveau point de vue

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L’un des sujets les plus controversés sera celui des marchés du carbone. Les États discuteront d’une des questions non résolues dans le cadre de l’Accord de Paris, à savoir la possibilité pour les pays de compenser leurs émissions de CO2 en finançant la réduction des émissions ailleurs.

Cette pratique divise depuis longtemps les défenseurs basés à Genève. Certains affirment que cela ne fera que retarder la réduction des émissions, tandis que d’autres déclarent que c’est la seule manière de réduire les émissions.

«Le marché du carbone retarde des mesures spécifiques qui sont absolument nécessaires pour éliminer progressivement certaines industries» a déclaré Sébastien Duyck, du Center for International Environmental Law (CIEL), qui sera à Glasgow durant les deux semaines de négociations, avec deux ou trois autres membres de son organisation juridique d’intérêt public à vocation environnementale.

Également présent à Glasgow, Matthew McKinnon, Directeur exécutif de l’ONG Aroha et Président du secrétariat du Forum de la Vulnérabilité Climatique, considère les marchés du carbone comme un moyen de résoudre les problèmes financiers de la transition énergétique: «À l’heure actuelle, l’énergie renouvelable est encore minuscule sur le marché.Elle doit croître très rapidement, ce qui accélérerait la croissance des revenus.»

Mais les ONG de défense des droits humains telles que CIEL craignent que le commerce du carbone ne nuise davantage aux communautés vulnérables, en promouvant des projets qui mènent à l’accaparement des terres, ou même à l’assassinat de dirigeants locaux, a précisé Sébastien Duyck. Ils demanderont aux pays de reporter une décision sur l’échange de carbone, arguant que les pays en développement, qui sont les plus concernés, ne seront pas bien représentés. «Pourquoi précipiter une décision sur l’article 6 de la COP qui est la plus limitée en termes de diversité d’accès?» a-t-il ajouté.

Sur un autre volet, la cheffe de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, qui assistera au sommet, pourrait exercer une influence sur ces discussions. L’un des défis des systèmes du commerce de carbone est le respect des règles commerciales mondiales supervisées par l’OMC, comme l’a démontré la proposition de l’UE d’imposer une taxe sur le carbone sur les importations étrangères en août dernier.

Okonjo-Iweala «aidera et conseillera sur la manière dont le commerce peut être utilisé comme une force positive pour rendre les objectifs climatiques ambitieux plus atteignables», a déclaré l’OMC, dans un courriel à Geneva Solutions.

Les pourparlers sur l’argent seront cruciaux

Les acteurs genevois seront aussi attentifs aux discussions autour de la finance. Les pays riches seront mis sur la sellette pour leur promesse non tenue d’il y a 10 ans, de verser 100 milliards de dollars par année aux pays en développement. Un plan de mise en œuvre, publié par le Royaume-Uni le 25 octobre et négocié par l’Allemagne et le Canada, servira de base aux discussions.

Rebeca Grynspan, cheffe de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), sera l’une des dirigeant·es des agences des Nations Unies qui foulera les couloirs du Scottish Event Campus (SEC), où se déroule la COP26. On peut s’attendre à ce qu’elle reparle du dernier rapport de la CNUCED dénonçant que les coûts de l’adaptation au climat dans les pays en développement pourraient atteindre 300 milliards de dollars, si les pays ne respectent pas leurs engagements de réduire leurs émissions de carbone.

«La réalisation de l’engagement de 100 milliards de dollars par an pour le Fonds vert pour le climat est un incontournable à Glasgow. Mais l’alignement entre l’ambition et l’action nécessitera un effort concerté de réforme au niveau multilatéral pour garantir un financement adéquat pour les pays en développement, et leur permettre de s’adapter aux impacts de plus en plus graves du changement climatique» a-t-elle déclaré lors de la remise du rapport la semaine dernière.

Les ONG insisteront aussi pour que l’on se concentre davantage sur les pertes et les dommages, un sujet que les pays riches, tels que les États-Unis, n’apprécient pas, car cela pourrait se traduire par une augmentation de leurs obligations de financement envers les pays fortement touchés par le changement climatique.

«Nous voulons voir de nouveaux financements supplémentaires et à long terme consacrés aux pertes et aux dommages», a déclaré Joie Chowdhury du Réseau-DESC (Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels). L’organisation a décidé de ne pas assister à la conférence en solidarité avec ses membres du Sud qui «n’ont pas pu se déplacer, parce qu’ils n’ont pas reçu les vaccins à temps, ou à cause de la possibilité de ramener des infections dans leur pays d’origine ».

Maintenir d’autres sujets à l’ordre du jour, des énergies fossiles à la santé

Les organisations de la Genève internationale seront également à l’affût d’engagements et d’actions sur d’autres sujets. Pour l’organisation religieuse Franciscans International, l’une des priorités sera «d’assurer une transition énergétique juste, en mettant tout particulièrement en place une feuille de route concrète pour éliminer progressivement les énergies fossiles».

Le WWF (Fond Mondial pour la Nature) fera lui aussi pression sur les acteurs pour «mettre un terme à notre dépendance aux énergies fossiles». Les attentes sont, de fait, assez faibles, car les dirigeants du G20 qui se sont réunis ce week-end à Rome ont échoué à prendre des engagements fermes pour mettre fin aux subventions en faveur des énergies fossiles.

«Bien que le WWF ne soit pas au courant des délibérations à huis clos, nous fournissons des conseils et des orientations sur la manière de créer un avenir avec zéro émission, grâce à nos réseaux et nos partenariats» a déclaré un porte-parole du WWF.

Les organisations humanitaires rappelleront aux négociateurs que le changement climatique affecte déjà les communautés vulnérables. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) exhortera les dirigeants du monde à «s’attaquer aux répercussions humanitaires actuelles et croissantes de la crise climatique».

«Les inondations, les sécheresses, les tempêtes et les incendies de forêt ont touché plus de 139 millions de personnes. Et on estime que 658,1 millions de personnes vulnérables ont été exposées à des vagues de chaleur. D’ici 2050, 200 millions de personnes par an pourraient avoir besoin d’aide humanitaire», a déclaré Tommaso della Longa, porte-parole de la FICR.

La FICR enverra son Président, Francesco Rocca, pour prendre la parole au Sommet des leaders mondiaux qui se tiendra du 1er au 2 novembre, avec une délégation de 30 membres, dont des experts en climat et des représentants des sociétés nationales.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui délègue une plus petite équipe sur place, «préconisera de renforcer l’action climatique dans les endroits touchés par les conflits».

Les acteurs mondiaux de la santé de la Genève internationale seront aussi présents pour souligner les impacts sanitaires du changement climatique, mais aussi pour trouver des moyens de réduire la contribution du secteur de la santé aux émissions de carbone.

«Nous travaillons dans certains des milieux les plus vulnérables au climat dans le monde, où les populations manquent d’accès aux soins de santé de base, ou en sont exclus. Leurs besoins ne doivent pas être oubliés», a déclaré Djann Jutzeler, responsable des médias de Médecins Sans Frontières (MSF), qui assistera pour la première fois à une COP.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) enverra également une délégation de Genève. Alors que son patron Tedros Adhanom Ghebreyesus n’assistera à priori pas à la conférence, sa directrice du département Santé publique et de l’environnement, Maria Neira, et son chef d’équipe sur le changement climatique et la santé, Diarmid Campbell-Lendrum, prendront la parole au nom de l’autorité sanitaire.

Article de Michelle Langrand pour Geneva Solutions, traduit de l’anglais par Katia Staehli